Maman, j’ai peur…
Il y a quelques semaines, je voyais bien que mon petit lapin n’était pas dans son assiette (qu’il refusait systématiquement, gros gourmand qu’il est pourtant). Il était pénible, râleur, chouineur. Mais plutôt que de hurler ou de le punir à chaque NON de sa part ; je me suis dit qu’il fallait tenter la méthode douce. Type « éducation bienveillante ». Ou positive. Ou éducation positivo-bienveillante-je-ne-sais-quoi très à la mode.
Je n’ai rien contre cette façon de faire d’ailleurs, au contraire. C‘est en général assez intéressant et plein de bon sens ; mais je trouve qu’on présente souvent les choses de façon très gnangnan (cœur-licornes-paillettes toussa toussa) ; et surtout qu’on stigmatise un peu trop les parents qui ne sont pas dans ce trip. Mais là, je sentais que la solution n’était pas au coin, mais bien dans le dialogue (et avec cette phrase je viens de gagner ma première étoile de maman bienveillante, c’est sûr). Du coup, à l’heure du coucher, de l’histoire et du gros câlin ; j’ai senti que le moment était propice à la conversation. J’ai donc sorti le whisky et les cigares pour engager le discussion en toute décontraction (Ah, on me dit dans l’oreillette que je viens de perdre mon étoile, merde …).
Bref, nous avons parlé; autant que l’on puisse faire avec un petit bout de 2 ans et demi à peine. Et là, mon petit cœur (l’enfant) a un peu fendu mon petit cœur (l’organe).
Extrait du dialogue bienveillant avec l’enfant :
– Quelque chose ne va pas mon lapin en sucre bio ? Tu es en colère ? Tu es triste ? Tu es frustré de quelque chose ? Tu peux tout dire à Maman. Tout. Tout tout tout … Vous saurez tout … ! Non ! stop, j’arrête pardon. Je t’écoute mon ange bleu ciel.
– Je suis … triste. – Bim. 1er uppercut. –
– Han !! Mais non c’est interdit !! … Ah non pardon -bienveillance, bienveillance Virginie…-. Il faut exprimer ses émotions, c’est très bien de le dire à Maman, et elle le vit très bien promis (mouchoirs svp). Mais dis moi mon amour que j’aime plus fort que les soldes chez Zara, qu’est ce qui te rend triste ?
– J’ai … peur. – Bam. 2ème droite –
– Tu as peur ? Mais comment peux-tu connaître ça à ton âge… la peur ?! Et surtout, peur de quoi ?! Du loup ? Des monstres ? Des voleurs ? De… Trump ??
– J’ai peur … du bébé. – Bang. Victoire par KO –
Mon petit bonhomme avait tout dit. Le ventre énorme de Maman, le bébé dont tout le monde parle, le déménagement, les changements qui se profilent… pas étonnant que mon petit lapin ait bien du chagrin (et ne saute saute plus dans son petit jardin). Un chagrin probablement très classique chez le futur grand frère (ou la future grande sœur).
Sur le moment, j’ai été partagée entre une profonde tristesse mais aussi une grande fierté : mon petit, tout petit bonhomme d’à peine 2 ans et demi savait déjà mettre des mots sur son malaise, et n’avait pas vraiment hésité à me le dire. Ce que certains ne savent toujours pas faire à 80 piges. Wahou. La maturité du gosse.
La tristesse a quant à elle vite fait place à l’inquiétude. Est-ce que j’allais être à la hauteur ? Est-ce que j’allais savoir le rassurer ? Est-ce que j’allais savoir prendre en compte cette confidence dans mon comportement futur ? Et au fond, est-ce que j’allais comprendre ce qu’il attendait vraiment de moi … ?
Je pensais n’avoir rien connu de plus stressant que les présentations powerpoint devant un tapis de costard-cravates-balais-dans-le-cul; je peux vous dire que ce n’est rien en comparaison avec la pression qu’un mini-pouce peut vous mettre dans ces moments-là.
Alors j’ai fait comme tout le monde, j’ai fait de mon mieux. Je l’ai écouté. Je l’ai laissé me dire, avec ses mots, sa peur. Surtout, ne pas la nier. Ne pas mettre un voile dessus, au risque de couper définitivement le dialogue ; comme on peut le faire avec les « Meeuh non ! t’inquiète Henriette, ça va aller ! ». Parce qu’on n’en sait rien, au fond. Admettre que tout cela est effrayant, même pour nous, les « grands ». Le remercier et le féliciter pour cette confidence. Lui dire que l’on prendra nos marques, que l’on s’adaptera, que l’on apprendra, tous ensemble ; la vie à 4. Lui dire combien je l’aime et que cela ne changera jamais… Et lui filer des Kinder à chaque fois qu’il pleure.
Pendant près d’une semaine, nous en avons – à sa demande – reparlé tous les soirs. Et puis, comme il est venu ; le sujet a disparu. Il parle toujours du bébé, il lui fait des bisous… Mais il ne parle plus de sa peur. J’imagine – j’espère ! – qu’elle s’est estompée. Il est redevenu le joyeux petit garçon que nous connaissons ; souriant, rigolard, farceur… Il s’est remis à manger pour 4 et à chanter tout le temps. Tout le temps, tout le temps… du lever au coucher (Et si seulement il pouvait changer de répertoire… :-P).
Je ne sais pas combien de temps cela va durer, mais j’ai le sentiment d’avoir réussi quelque chose. Peut être bien que je me trompe ; mais la maman que je suis a l’intime conviction d’avoir réussi à rassurer son bébé… Il a compris qu’un changement allait avoir lieu, mais j’espère lui avoir donné les armes pour l’aborder plus sereinement (le whisky et le cigare, pour ceux qui ne suivent pas). Je pense qu’il sait désormais qu’il peut compter sur nous pour l’écouter, et surtout l’entendre, quand ça ne va pas (il en abuse d’ailleurs un peu ce petit tyran « Je suis pas content ! – Ah bon ?! mais que se passe-t-il mon trésor plus précieux que le salaire de Pénélope ? Parle à Maman, tu sais que tu peux tout me dire… – Je veux un autre Kinder – Ah. »).
Je suis tellement fière de lui ! Et un peu fière de moi aussi. Ce n’est que le début d’une longue route, j’en ai bien conscience. Mais j’ai quand même le sentiment d’avoir franchi une étape avec brio (avec qui ?) (OK je sors).
Alors, franchement, ça ne mérite pas mon premier niveau d’éducation bienveillante cœur-soleil-amour ça ? Oui ? Non ? Non ? Bon. Et bien tant pis, je me l’auto-décerne alors. Et oui, c’est comme ça. Je m’auto-proclame professeur es Éducation bisounours-réjouis, et je m’attribue le diplôme de Maman qui déchire niveau 1, mention super top moumoute. Et ouais ça veut rien dire et c’est bidon, mais faut bien s’encourager si personne ne le fait pour vous ! Alors, soyez gentil; gardez vos remarques ironiques – pas du tout positivo-bienveillantes-, et surtout, Ne le dites à personne …
Photo : Élodie Parsal
16 comments
C’est un sacré chamboulement pour tout le monde l’arrivée d’un nouveau membre de la famille… alors j’imagine à peine tout ce qui peut se jouer dans la tête de nos tout-petits…
Mais il a réussi à t’en parler… et toi à le rassurer ! Une jolie marque de confiance réciproque <3
Et oui, tu mérites même deux Etoiles **
Et oui c’est clair, il n’y a pas que lui que ça effraie …! Je crois que je me pose encore plus de questions pour N°2 que pour lui d’ailleurs … Et merci pour les 2 étoiles 😛
Tu mérites même deux étoiles ;o)
Parfaitement géré je crois! Double réussite, il a pu extérioriser, et tu as pu le rassurer. Banco! C’est bien normal qu’il ait des doutes, et que toi aussi d’ailleurs! On a beau se dire qu’avec un premier, on a déjà l’expérience, ça change quand même bien la donne (avant, surtout, je dois dire – pour ma part j’avais bien des questions avant, et quand ma 2ème est arrivée, tout s’est mis en place le plus naturellement du monde). Au moins tu auras vécu cette situation dans l’échange, plutôt que comme une crise!
PS : bien d’accord sur la bienveillance! J’ai rien à redire là dessus mais c’est pas parce qu’on est ferme et qu’on laisse pas ses enfants tout tenter seuls qu’on est pas bienveillants! je n’aime pas trop ce terme qui sous entend que les autres sont par opposition, « malveillants »…
Merci pour la 2ème étoile 😉 Oui cette fois on s’en est putôt bien sorti, on va voir comment ça se passe avec l’arrivée du 2nd ! Tu as tout à fait raison sur le terme « bienveillant » et son sous-entendu ! C’est un peu dommage car je pense qu’on peut être ferme et bienveillant 😉
En tant qu’adulte, nous ne savons pas toujours comment réagir face aux émotions de l’enfant. L’écoute est essentielle dans ce genre de situation. Ton petit garçon a eu le courage d’exprimer ce qu’il ressentait, ce n’est pas donné à tout le monde. C’est normal d’éprouver un peu d’appréhension quand des changements importants s’approchent. En tout cas, tu t’en es bien sorti 😉
Merci 🙂 oui j’ai eu l’impression de bien m’en sortir – pour cette fois – ! Je pense que naturellement l’enfant exprime ses sentiments et émotions, mais c’est l’éducation qui pousse à les cacher (ne pleure pas, ne te plains pas, tout va bien et si ce n’est pas le cas fais comme si …)… le plus dur va être de préserver chez lui sa capacité à exprimer ce qu’il ressent et communiquer avec nous en grandissant !
Merci pour votre ton à la fois sérieux , grave et déjanté.
Et merci à vous de me lire ! 🙂
Hello je trouve ça super que ce petit bonhomme de 2 ans ai pu mettre des mots sur son malaise et que vous ayez pu en discuter. Je pense que le fait d’en avoir parlé à estompé ses peurs
PS: j’adore ta façon d’écrire et de nous retranscrire les choses ?
J’adore ta façon d’écrire et cette histoire était très mignonne et très touchante
Ps : tu as l’air d’une maman au top ??
Tu lui colles des cours de lecture et tu lui refiles l’adresse de ton blog, ça devrait lui recaler de la poilade direct dans les moments de doute !
Sinon (tu sais que j’ai pas d’enfants mais) ça semble inévitable visiblement ces inquiétudes là ! Ma nièce, qui vit dans le sud, a carrément demandé à partir deux semaines chez ses grands parents dans l’est quand le petite frère a débarqué !
Le temps se divise, ça doit pas être simple de s’adapter et d’accepter pour un mini !
Mais il gère grave niveau communication !
Mais ce n’est pas une si mauvaise idée, l’expatriation ;-). Et bien maintenant que N°2 est arrivé je peux finalement confirmer qu’il gère bien la communication, il faudrait juste qu’il apprenne à moduler le volume !! Merci en tout cas d’être passée par ici 😉
Je tombe sur ton article aujourd’hui… C’est génial qu’il ait réussi à exprimer ses émotions, aussi petit.
Ca se passe comment quelques mois plus tard ?
Bises
Tiens, je ne t’avais pas répondu ?! -impolie que je suis – Surement parceque depuis je suis passée du dialogue bienveillant aux cris menaçants … :-D. Non sans rire, ça se passe nickel avec le petit frère; par contre avec nous c’est pas tous les jours facile ! Il y a des hauts et des bas… Mais bon c’est l’âge semble-t-il; alors terrible 2 + petit frère + déménagement à venir + rentrée en PS … Je pense que je vais me mettre à la cocke pour passer le mois de septembre !
C’est vrai que la naissance d’un nouvel enfant peut inquiéter le premier de la fratrie. C’est un grand changement pour lui, il devra partager tout ce qu’il a y compris ses parents.
Et bien je peux te dire que même après la naissance ce n’est pas encore évident tous les jours …
merci pour tes passages ici et tes commentaires ! Ça fait plaisir 🙂