Venez donc écouter la belle histoire (on dit storytelling, dans le milieu de la rédaction web) de la flamboyante – ou pas – épopée du bidet. Je ne suis pas certaine de vous apprendre beaucoup de choses concernant cet ustensile trop souvent dénigré ; mais si je me débrouille bien, il se peut que vous regardiez un peu différemment le fabuleux monde du marketing digital à la fin de cet article… Alors, vous me suivez ?
Il y a déjà fort longtemps, dans le merveilleux monde du web
J’étais jeune, j’étais dynamique. Je travaillais d’arrache-pied à disséquer le web-marketing, gérer de (trop) nombreux projets digitaux pour un acteur du e-commerce français. Je m’amusais bien, nous étions tous plein de fougue et d’idées innovantes ; et les années passèrent ainsi, au rythme des formats e-pub et autres stratégies SEO. Pourtant, au fil des manœuvres d’acquisition de trafic et de positionnement web, je fus de moins en moins jeune, et peut-être aussi, de moins en moins dynamique. Le temps était venu pour moi de prendre mon envol, de découvrir d’autres horizons numériques, d’aller voir si l’herbe digitale n’était pas plus verte (et responsable) ailleurs…
« S’envoler, OK, mais s’écraser juste après le décollage, ça, non ! »
Tata Josette, 2017 après J.C.
La voix de la raison et de Tata Josette me soufflèrent quelques conseils. « Peut-être devrais-tu t’assurer que le fantastique monde des Internets n’a véritablement aucun secret pour toi, avant de mettre la clé sur le contact et d’enclencher les réacteurs ?! » Je n’avais évidemment aucun doute sur ma capacité à voler de mes propres ailes, mais, par pur acquit de conscience, je décidais tout de même de vérifier que ma belle théorie fonctionnait bien, aussi, dans la pratique. Et je me lançais ce défi : monter un blog. Finger in the nose, j’en ai pour 3 minutes, pensais-je alors.
Quelle ne fut donc pas ma surprise, quand je me connectais pour la première fois sur wordpress ! Toutes ces années passées à expliquer avec force conviction les grands principes du référencement, les concepts SEO et SEA et les différentes stratégie digitales qui marchent à coup sûr ; ne m’auraient-elles donc servies à rien ?! Comment créer un site web ? Où donc intégrer les mots clés – si ce n’est DTC comme on me le suggérait fréquemment ? Comment relayer mes articles sur les réseaux sociaux ? Comment organiser mon contenu pour être lue par quelqu’un d’autre que mon père et ma cousine Berthe ? Comment être remarquée par Google mais aussi et surtout par des lecteurs inconnus… ?!
En théorie, je savais à peu près ce qu’il fallait faire… Mais en pratique, je ne savais pas comment le faire…
Je révisais donc mes ambitions à la baisse, et appris… la patience, en passant quelques mois à expérimenter, essayer, construire et dé-construire, écrire et ré-écrire, pour comprendre comment tout cela fonctionnait…
C’est ainsi que je montais ce blog et découvrais la création de contenu. (Et quel contenu !) Mais, mine de rien, c’est bien ce petit laboratoire qui m’aura permis de pratiquer de façon très opérationnelle le marketing digital, et d’expérimenter le fonctionnement de Google ; me donnant la confiance nécessaire pour enfin sauter le pas et devenir mon propre patron.
Vint alors le premier brief de rédaction web…
Après avoir rédigé de nombreux articles sur des thématiques aussi variées que passionnantes, allant de la découverte du métier d’architecte aux bienfaits insoupçonnés de l’endive ; je me sentais de taille à écrire sur à peu près n’importe quel sujet. Et, un beau jour ensoleillé, vint cette toute première commande. Une proposition de rédaction web, pour le compte d’un marchand de salles de bain. Un client donc, qui, pour le blog de son site, me proposait cette passionnante mission de rédaction d’article sur les dernières tendances en matière de décoration de salle de bain. Finger in the nose, ça va me prendre 3 minutes ! pensais-je (à nouveau) naïvement.
Contrat signé, je découvrais alors le long brief de mon client, dans son intégralité.
Extrait du brief « Article SEO – Tendances déco salle de bain »
(Enfin non, brief complet.)
- Titre de l’article : « Salle de bain : les 10 tendances à adopter en 2018 ! »
- Mot clés : Salle de bain, tendance déco, carrelage, baignoire d’angle, douche italienne
- Texte : Minimum 1500 mots
- Date de remise : Avant-hier
En professionnelle aguerrie et consciencieuse, je questionnais mon client pour en savoir un peu plus :
« Merci à toi, cher et aimable client, pour ce brief détaillé qui augure d’une passionnante aventure professionnelle, mais humaine, avant tout. Afin de mener à bien ma mission dans les meilleures conditions, n’aurais-tu pas quelques chiffres de ventes, ou deux-trois conseils d’expert me permettant d’appréhender – réellement – ce qui est à la mode dans la salle de bain ? »
La réponse ne se fit pas attendre : « Alors là aucune idée, moi je m’occupe du référencement et du site, je suis pas commercial et encore moins archi d’intérieur. Par contre faudrait peut-être penser à se dépêcher, c’est qu’il s’agit de le publier avant les autres, hein ! » Quant à sa conclusion, elle ne manquait pas d’à propos : « T’as qu’à regarder sur Internet. »
AH. OK. Hmmm…
Je venais de commettre une erreur de débutante : j’avais purement et simplement oublié l’objectif premier. Était-il de donner une information éclairée sur les bacs à douche ou les sèche-serviette derniers cris ? Non, bien sûr que non. N’oublions jamais :
Objectif principal : être Numéro Un sur Google
Et surement pas être précis, encore moins exhaustif, quant aux tendances évoquées. Je reprenais mes notes, et décidais donc de procéder de façon à remplir ce satané objectif premier :
Rédaction web : 5 étapes pour bien rédiger son article
- Étudier la concurrence, notamment les résultats de la première page Google : J’épluchais donc les articles de tendances déco des années précédentes, et je fus rassurée de constater que ma salle de bain de 1997 était encore à la mode : tous les articles citaient peu ou prou les mêmes points, depuis des années…
- Reprendre les points principaux de tous ces articles : le bois, les vasques, les carreaux de métro et les plantes sur les étagères, tout ce qui faisait donc une salle de bain moderne selon Saint-Google
- Rédiger un beau texte bien plus long que les autres, car quoiqu’on en dise, c’est souvent une question de taille ; en collant par-ci par là les bons mots clés, et les bonnes expressions.
- Choisir avec soin de belles images libres de droit pour illustrer mes propos, dont une photo de ma salle d’eau parce que je trouvais ça rigolo.
- Enfin, se creuser la tête pour ajouter un facteur différenciant, de façon à proposer un contenu supplémentaire et pertinent (disons, un minimum en rapport avec le thème) par rapport à tous ces articles concurrents.
C’est ainsi que naquit l’histoire du bidet…
L’ajout de la touche personnelle fut sans doute le plus compliquée. Qu’est ce que j’y connaissais, moi, en tendance déco de salles de bain ? Je repensais à ma dernière expérience dans le domaine : l’émission de Stéphane Plazza visionnée la veille. « Tiens, il aime bien les bidets lui, ça serait pas une nouvelle mode, ça ?! »
En deux temps trois mouvement, je rédigeais le dernier paragraphe de mon chef-d’œuvre, que je titrais sobrement « Et pourquoi pas un bidet ? » en prenant soin de ne pas oublier la balise (H2, titre secondaire), avant de soumettre mon article, le cœur battant. Qu’allaient-ils en penser ? Mon génie avant-gardiste serait-il reconnu ? J’étais prête à défendre bec et ongles mon point de vue, et débattre vigoureusement de la pertinence de l’accessoire ; malheureusement, je n’en eu même pas l’occasion. En guise de réponse, je reçu le virement sous 15 jours, et constatais avec indignation la parution de mon article dans son intégralité, mais sans la citation de son autrice (moi). Ô, déception.
Quelques mois plus tard, alors que mes missions s’étaient déjà bien diversifiées, la mouche de la curiosité me piqua. Aïe. Cela faisait plus d’un an que l’article était paru, qu’avait-il bien pu devenir ? Je tapais donc « tendance déco… » dans mon moteur de recherche, et qu’elle ne fut pas ma surprise…
Le copywriting avait fonctionné… !
Non seulement mon article était bien référencé – il avait même été mis « au goût du jour » entre temps (comprenez : 2018 avait été remplacée par 2019) ; mais les articles concurrents, probablement rédigés par des petits malins pros de la rédaction web et du SEO ayant suivi le même process , citaient tous le bidet comme étant LE nouvel ustensile à avoir dans sa salle de bain…
Moralité : ne vous fiez pas à ce que vous trouvez sur le web
Alors, évidemment, tout cela n’est pas réellement arrivé. Enfin, si, probablement, mais en ce qui me concerne, je n’ai pas rédigé d’article sur les salles de bain, et je n’ai (malheureusement ?) jamais eu l’occasion de faire l’éloge du bidet. J’en ai rédigé beaucoup d’autres, sur divers sujets, dont un article sur les tendances digitales. La différence, c’est que je baigne dans le milieu, donc je savais à peu près de quoi je parlais ; mais dans les faits, la façon de faire n’était pas tellement différente… Car l’objectif premier sur Internet est bien de remonter dans les meilleurs résultats Google, avant même de donner une information pertinente… Et dans le merveilleux monde du marketing digital, on ne fait que rarement appel à des journalistes ou des spécialistes des sujets traités. Dans le meilleur des cas, on fait appel à des rédacteurs web qualifiés, qui ne sont autres que des spécialistes… des moteurs de recherche (et pas des bidets.)
Moralité bis : rien ne vaut un bon Storytelling pour faire passer un message.
Vous l’avez compris, cette histoire n’a pas vocation à démontrer l’intérêt du bidet, mais plutôt la puissance du storytelling… pour faire passer des messages, et tenter de faire comprendre certaines choses :
- La première, c’est d’être conscient que ce qui remonte en premier sur Google, ce n’est pas (forcément) ce qu’il y a de plus pertinent : c’est « juste » ce qu’il y a de mieux référencé pour les moteurs de recherche. Et ça fait une sacré différence, remplacez le bidet par n’importe quel sujet, imaginez par exemple que vous cherchez des conseils sur l’éducation des enfants (faites donc le test !) ou même des conseils médicaux… vous voyez tout de suite que ce n’est pas tellement anodin !
- La deuxième, c’est que l’information sur Internet circule presque toujours en vase clos. Parce qu’il y a toujours des millions de résultats pour une simple requête, on pense qu’il y a une richesse infinie d’informations sur le web… Ce n’est pas totalement faux, mais qui va chercher au-delà de la 1ère page Google ? Quand on comprend que le nerf de la guerre se situe sur les premiers résultats, et que la façon d’y parvenir implique de reprendre à minima ce qui y ressort déjà, on comprend à quel point il est difficile de faire émerger de la nouveauté sur un sujet…
- La troisième – que j’espère mes élèves retiendront bien *clin d’œil appuyé de la prof*- c’est qu’il appartient donc à chaque producteur de contenu de respecter une certaine éthique. Quand on rédige pour le web, on cherche principalement à être bien référencé, c’est le jeu. Mais cela ne doit pas nous faire oublier notre responsabilité de créateur de contenu, et doit au contraire nous forcer à nous questionner sur le sujet, à chercher des infos fiables – et à les vérifier !
En conclusion : le storytelling et le marketing de contenu comme facteur clé de succès…
Si tu ne parles pas SEO, tu n’as probablement rien compris, alors laisse-moi t’expliquer cette dernière chose à retenir, et pas des moindres : rien ne vaut une belle histoire pour faire passer un message. Quel qu’il soit. J’aurais pu faire un cours magistral, mais qui l’aurait lu, en dehors de quelques curieux du SEO et des rares élèves assidus (en vrai ils le sont tous) (ahaha nan je déconne, avoue que tu y as cru Félicien). La prof que je suis a donc rédigé cet article à l’occasion d’un cours sur le Content Marketing, pour tenter de démontrer que la rédaction web et le storytelling peuvent rendre palpitant le plus ennuyeux des sujets… Félicien me dira mercredi si le pari est réussi, j’ai hâte de voir ça. Je vous raconterai. Ou pas.
Et d’ici là, si vous avez des besoins en content marketing, que vous avez envie de travailler avec une personne soucieuse de proposer des solutions de communication digitale éthiques et responsables, mais qui performent tout autant : vous savez qui contacter ! (Oui, je parle de moi, là – voyez comme je sais également profiter du contexte pour me faire un peu publicité.) Alors, convaincus ? Non ? Et bien dans ce cas, vous savez quoi faire : ne le dire à personne !
10 comments
Excellent !! Je verrais plus les choses pareil maintenant….
Ahaha merci Emma 🙂
J’ai cru un instant que ma salle de bain des années 60 était en fait grave a la mode en fait avec son bidet rose et son carrelage à fleur ahaha – bon mais peut etre que tu peux te debrouiller pour rendre ça a la mode d’après ce que je comprends 😉 je compte sur toi !
Il faudrait que je vois la salle de bain en question, pour le bidet je ne suis quand même pas sûre de pouvoir faire quelque chose 😉 Par contre le style années 60’s est déjà en train de revenir en force il me semble non ? À votre place je persisterai, sûre que ça va finir par revenir très à la mode y compris dans la salle de bain 😉
Ah ouais sacré cours 😉
Je ne sais pas si c’est ce que se disent les élèves ahaha 😉 Mais merci en tout cas !
J’ai adoré cet article qui rentre pile dans mes préoccupations du moment! Crois-moi, je vais retenir la leçon après m’être totalement reconnue dans certaines réactions!
Mais oui tu me fais penser que j’ai vu passer un billet sur le sujet, il faut que j’aille lire ça en détail ! Tu te lances dans la rédaction ? J’ai pas trop de doutes sur tes qualités et compétences pour cartonner 😉 Et oui pour le process il est classique et en général vu les rémunérations c’est quand même difficile de se lancer dans du sourcing d’info plus profond que la simple recherche web malheureusement…
Si vous avez la possibilité de changer la décoration de votre maison et d’ajouter de nouveaux meubles, faites-le. Le mobilier est l’essence de la maison. Les meubles design obtiendront un résultat incroyable.
Ah, ok. Vous n’avez pas lu l’article, mais ok ahaha