« J’ai mal au dos. »
Et comme 99% des gens qui souffrent du dos, j’ai commencé par incriminer mon matelas. Quoi d’autre ! Ce ne pouvaient être les heures passées à ramasser les chaussettes ou lego qui jonchent le sol, les journées à 37 pas et 53 mètres parcourus (lit – cafetière – ordi – cafetière – lit), les 40 kilos d’enfants + 10 de cartables à ramener chaque jour, ou les 18 remplissages-vidages-étendages-pliages de linge hebdomadaires. Non.
C’était la faute du lit et du matelas, forcément.
Google était d’accord, ChatGPT était d’accord. Aucun doute donc : il fallait changer de lit. Sur le papier, ça paraissait simple. En pratique, moins. Car il fallait faire des choix. Allions-nous opter pour un ensemble type maison de la literie, un lit de compet’ trouvé à la foire ou un matelas du web type Emma ?
Je vous épargne un suspens pas tellement insoutenable : nous allons opter pour la dernière solution. Mais les raisons de ce choix ne sont probablement pas celles auxquelles vous pensez. Car ce ne sont ni les bons avis, ni le budget raisonnable qui nous ont convaincu. Et non. Ce qui nous a convaincu d’acheter un matelas sur Internet, c’est d’essayer d’en acheter un en magasin...
Petit récit de notre parcours du combattant du matelas.
Tentative #1 : Le magasin de literie
Premier réflexe : le magasin de literie. OK Google, où puis-je trouver un magasin de lit ? Hiiiin… dans une zone commerciale. Mon endroit préféré au monde, juste après le funérarium peut-être. Mais mon dos vaut bien ce petit effort, alors, un samedi à 15h (no comment) nous nous rendons en famille à Mérignac Soleil, le meilleur endroit de la terre après le funérarium, mais je crois que je l’ai déjà dit. Pas vraiment pleine d’entrain donc, je pousse les enfants dans la boutique après les avoir sortis de la voiture au forceps et leur avoir fait promettre d’être sage (en échange de 12 dessins animés le soir venu.) Le vendeur qui nous accueille est charmant, mais il a visiblement un problème de voix. Je vois bien qu’il essaie de communiquer, mais entre les cris des enfants qui sautent d’un lit à l’autre en chantant la carmagnole, les traversins et les oreillers qui volent dans le magasin et la nuée de plume qui nous envahit subitement ; je ne comprends rien à ce qu’il raconte. Heureusement, la directrice de la boutique, sans doute touchée par notre désarroi, sort promptement de son bureau et se dirige vers nous d’un pas énergique, pour nous venir en aide certainement. Ah… non, pour nous virer apparemment. Expérience de courte durée, dont je tire cette moralité : il fallait promettre plus que 12 dessins animés.
Tentative #2 : Le matelas de foire
Des enfants qui font la foire à la foire, ça devrait passer crème. Ça tombe bien, celle de Bordeaux a lieu en ce moment même. Si on ne trouve pas de lit là-bas… Ni une ni deux, direction le parc des expos, mon endroit préféré après les zones commerciales et le funérarium ; ses allées blindées, ses relents de saucisses grillées, et ses stands des marchands de tapis matelas, logiquement positionnés entre les créateurs de bijoux en macramé et les fabricants de nappes en toiles cirées. Temps passé à chercher les marchands de sommeil lits : 1h20. Ça commence bien…
Heureusement, une fois le corner « matelas » trouvé, un vendeur nous agresse accoste immédiatement. Il nous force invite à nous asseoir pour discuter, sort 4 paquets de Kinder, lance un dessin animé sur sa tablette qu’il colle sous le nez des enfants ; et nous informe que nous sommes bien tombés puisque les problèmes de dos, c’est sa spécialité ! Il nous indique également que venons d’obtenir un remise de 20% (car nous nous sommes assis) et que nous obtiendrons 10% supplémentaire par enfant qui finira ses Kinder. Une aubaine !
L’homme est un tantinet pressant, mais quel professionnalisme et quel sérieux ! Il écoute mes doléances attentivement, pose des questions tout à fait pertinentes (Vous avez très mal, très très mal ou très très très mal ? Vous dormez plutôt allongé ou couché ? Quel est votre budget ? etc.) Il nous rappelle enfin qu’il ne s’agit pas seulement de trouver le bon matelas, mais aussi le bon sommier. Quel homme de bon sens ! Je commence à me détendre, et je m’apprête à m’étaler sur tous les lits douillets du stand pour tester la fermeté – étonnamment il n’en a pas parlé – quand il m’arrête. Pour réparer cet oubli pensé-je naïvement, mais je lis dans son regard qu’il ne s’agit pas de cela.
Sa mine s’assombrit. « Madame, ne croyez pas que cela suffira. En tant que dorsologue spécialiste es literie, je vous le dis : pour venir à bout des maux de dos, il faut se donner les moyens. » Se donner… les moyens ? C’est à dire… ? Il marque un silence, plonge ses yeux dans les miens, et reprend, en détachant chaque syllabe : « Voulez-vous VRAIMENT dire adieu au mal de dos ? » Je m’enfonce dans ma chaise. J’ai soudainement chaud, et un petit peu peur aussi. Je croyais pourtant avoir été claire, mais il me fait douter. Alors je réponds timidement : « Heu bah… Oui ?! » Il fronce un sourcil et me fixe sévèrement. Je ne connais que trop bien cette expression : c’est la même que celle de Monsieur Neguelec, mon prof de math de sixième : il devinait toujours quand on trichait. Le marchand douterait-il de mon sérieux ?! Je m’entends alors lui répondre avec cette petite voix mi-indignée, mi-implorante : « Mais je vous jure j’en peux plus ! S’il vous plait aidez-moi ! »
L’homme me jauge. Je suis un peu secouée, mais j’essaie de ne rien laisser paraître. Au bout de quelques minutes, il me fait rasseoir et m’explique enfin : « Bien. Je suis là pour vous aider. Mais….! Il faut me faire confiance ! Vous me faites confiance n’est-ce pas ? » J’acquiesce instantanément. Il continue. « Soigner son dos, ce n’est pas seulement soigner son matelas et son sommier. C’est aussi soigner ses oreillers, ses pieds de lit, ses édredons, ses tables de nuits, sa tête de lit, son pyjama… OUI BIEN SUR MADAME QUE C’EST IMPORTANT MAIS COMBIEN DE TEMPS ENCORE ALLEZ VOUS VIVRE AVEC CE MAL DE DOS QUI FINIRA PAR VOUS TUER SI VOUS NE VOUS EN OCCUPEZ PAS MAINTENANT ?! »
J’ai vraiment peur a présent. L’enfant premier, qui a entendu ça, se rapproche, inquiet. Sans même le regarder, le type dégaine un paquet de Dragibus qu’il fourre dans sa main, et fanfaronne : « Un problème : une solution, c’est la devise de la maison ! » Et il enchaîne, en sortant un prospectus qu’on dirait tout droit sorti des années 80 : « Bravo Madame, je vois que vous êtes prête à vous donner les moyens. » Il commence alors à nous faire l’article de sa « Chambre complète Louis Philippe en merisier anti-maux de dos« , pas forcément la plus jolie selon ses propres termes mais clairement la plus efficace ; et, 3 heures 47, 2 Disney, 4 paquets de bonbecs et 3 faux-départ plus tard, nous parvenons enfin à quitter le stand, avec un devis à 12 542€ – déduction faite des 20% + 10% + 10% + encore 15% âprement négociés ; ainsi que la promesse d’une taie d’oreiller offerte si nous signons sous 48h.
Une chance que nous n’ayons eu aucun chéquier sur nous, on aurait sans aucun doute signé pour mettre fin à notre calvaire.
Conclusion : ce sera donc… un matelas du web
Un matelas sans le magasin autour, un matelas sans le commercial qui va avec. Je ne sais pas si ça réglera mes problèmes de dos, mais ça m’évitera de gâcher d’autres samedi. D’ailleurs, si vous avez aussi opté pour un matelas Emma ou Tediber, n’hésitez pas à me faire part de votre avis, parce qu’en réalité, on n’a pas encore tout à fait décidé… Ne le dites à personne, mais on hésite même à explorer l’option futon…
2 comments
Mérignac Soleil, ce cauchemar en travaux perpétuels et un samedi après-midi, qui plus est!!! Quel dommage de ne pas nommer la boutique, que dis-je le hangar d’où la directrice s’est privée de votre investissement… (j’ai bien une idée…) En ce qui concerne le Futon, vu son prix, il faut y réfléchir à deux fois, si on n’a pas grandi avec. Autant dormir directement sur une planche pour se faire une idée.
Pour le mal de dos, il n’y a qu’une solution: une véritable activité physique, pas domestique,
phy-si-que et aussi un peu de repos parce-que souvent, du quotidien, on en a plein le dos!!!
J’ai tellement ri. Merci!